Diversité des origines : quelques conseils pratiques pour avancer
Diversité des origines, où en sommes-nous depuis les dernières décennies ?
La diversité des origines, autrement appelé la diversité ethnique, est une réalité sociale qui fait l’objet d’une attention managériale grandissante. La conférence organisée par Jamila Alaktif (France-Stanford Center for Interdisciplinary Studies & IESEG School of Management, Lille) et Anne-Françoise Bender (Lise-CNAM, Paris) le 21 juin 2019 au Conservatoire Nationale des Arts et Métiers à Paris a été l’occasion de confronter le regard pluridisciplinaire de chercheurs en sciences politiques et de gestion, des sociologues ainsi que des acteurs issus du monde institutionnel (tels que Le Défenseurs des droits, la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale DRJSCS) et, du monde professionnel (tel que le Club d’entreprise Les Entreprises pour la Cité à l’origine de la Charte de la Diversité ainsi que les entreprises SODEXO et EDF).
Cette rencontre a été riche en partage d’expériences professionnelles mais a confirmé un paradoxe saisissant : les discriminations liées à l’origine, légalement encadrées, souffrent pourtant de lourdes inhibitions à l’égard des actions positives censées contrer les discriminations. La principale cause ? Les voix s’élèvent à l’unanimité pour dénoncer le très faible soutien institutionnel. En effet, le regard croisé sur les études de cas pointe du doigt le délaissement et le manque d’outils en France contrairement aux systèmes de management aux Etats-Unis, au Canada ou en Belgique (même si ces derniers sont perfectibles).
Si des avancées certaines sur les politiques de diversité au grand bonheur du genre ou du handicap (entre autres) ont été enregistrées, ces initiatives « tout azimut s’éloignent cependant du projet fondamental de lutte contre les discriminations liées à l’origine ».
Principaux enseignements et conseils pour mieux avancer !
- Replacer le critère de l’origine au même rang que les autres critères tels que le handicap ou encore le genre, en le munissant de véritables dispositifs de lutte contre la discrimination afin de venir en aide aux entreprises car plus les mesures sont claires, plus les managers se sentent armés pour s’investir ;
- Faire appel à l’ensemble des parties prenantes dans la lutte contre les discriminations liées à l’origine car étonnamment, les partenaires sociaux figurent parmi les grandes absents ;
- Etudier la diversité des origines à part entière et, dans une approche globale, et non plus comme un simple critère « social » (qui limite le champ à une petite frange de la population), ni comme un « problème de migration ». D’ailleurs, l’Histoire de France s’est enrichie au fil des siècles pour construire une République forte de ses citoyens Français aux origines diverses ;
- Revenir aux fondamentaux : les softs laws tels que le Label diversité promu par l’Etat, valorise le rapport qualité-produit et une offre de services aux entreprises. Toutefois, ce développement a opéré au détriment de ce qui était au point de départ une priorité, à savoir la lutte contre toutes les discriminations y compris celles liées à l’origine ;
- Encourager les professionnels et créer des structures d’accompagnement dotées d’expertise sur les discriminations liées à l’origine, ce qui implique de travailler tant sur des dispositifs formels que sur les rencontres informelles et conviviales (« où se nichent bien souvent les discriminations ») ;
- Développer des indicateurs clairs permettant de mesurer la discrimination liée à l’origine dans le but de favoriser l’égalité dans l’espace professionnel au-delà même de la diversité ;
- Etendre la politique de la ville à l’ensemble des territoires afin de renforcer l’égalité dans une approche universelle et non plus de manière sectorisée.
La Charte de la Diversité et la diversité des origines
L’idée d’une Charte est lancée en janvier 2004 suite à la publication d’un rapport de l’Institut Montaigne « Les oubliés de l’égalité des chances ». Le modèle français d’intégration ne fonctionnait plus aussi bien et l’une des pistes d’action proposée par l’institut Montaigne est la rédaction d’une Charte.
Le 22 octobre, 33 entreprises pionnières signent la Charte de la diversité – rédigée par Claude Bébéar, Laurence Mehaignerie et Yazid Sabeg – et s’engagent à favoriser l’égalité des chances dans l’emploi.
Les diversités ethnique, culturelle et sociale sont donc les thématiques historiques et motrices de la Charte de la Diversité.
Lors du dernier Bilan Diversité 2017, l’origine fait partie des 5 critères prioritaires travaillés par les signataires de la Charte :
Classement des critères prioritaires en 2017 (vs. 2012)
- . Le sexe / L’égalité professionnelle femme-homme : 70% (vs. 42% en 2012 / 3ème position)
- . L’âge (moins de 26 ans) : 66% (vs. 36% en 2012 / 4ème position)
- . L’âge (plus de 50 ans) : 63% (vs. 47% en 2012 / 2ème position)
- . L’origine étrangère (patronyme, ethnie, nationalité) : 62% (vs. 30% en 2012 / 5ème position)
- . Le handicap : 61% (vs. 52% en 2012 / 1ère position)
Comme expliqué précédemment, la quantification des effectifs, encore trop peu utilisée par les signataires (seulement 20% des signataires le font) est nécessaire pour progresser et est légale, en suivant les recommandations de la CNIL.
Auteure : Jamila Alaktif PhD, Research Fellow at France-STANFORD Center For Interdisciplinary Studies & Lecturer at IESEG School of Management
Jamila Alaktif est enseignante-chercheure, spécialisée sur le déploiement des normes dans les organisations. Elle est associée à France-Stanford Center for Interdisciplinary Studies (2019-2020) et à l’IESEG School of Management. Elle s’intéresse tout particulièrement au management éthique et à la gestion socialement responsable de la diversité ethnique et du genre, à partir d’études de cas en France, au Canada, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Elle intervient auprès de professionnels sur la lutte contre la discrimination et enseigne en Business ethics ainsi qu’en International Business and Economics.